Chaque
époque a eu ses maladies que l’on craignait autant par leur gravité et leur
contagiosité, que pour l’image sociale qu’elles pouvaient véhiculer.
La
tuberculose en est un " excellent" exemple ; maladie grave
entrainant souvent la mort, ou du moins affaiblissant durablement les
individus, hautement transmissible et nécessitant
l’isolement impératif. Le" tubard" avait une image de pestiféré qu’il
fallait éloigner, et cacher. Il condamnait sa famille au repli, à la honte…
Nous
sommes dans les années 50 ;la France "heureuse" d’après-guerre ;
celle qui met les bouchées doubles pour relever un pays en miette ; celle
qui veut aussi s’amuser, profiter.
Chez
les Blanc, on n’a pas fait de hautes études ; mais on a le cœur à l’ouvrage ;
on ne rechigne pas à faire des heures, à entreprendre, à oser pour s’en sortir.
Odile et Paul sont de ceux- là ; besogneux et l’esprit tourné vers la fête
et la joie à partager, mais pas prévoyants. Cigale mais pas fourmi. Ils tiennent
un café, le Balto, toujours ouvert, où l’on fait la fête, où l’on danse .
Et
puis dans cette France des années 50, la sécu existe, mais pour une poignée de
privilégiés : les salariés et les fonctionnaires. Les autres, commerçants,
artisans, rien ; que des assurances facultatives, hors de prix.
Odile
et Paul ont 3 enfants : Annie l’ainé, vite partie vers une vie qu’elle a
voulu résolument loin du Balto, Jacques, le petit dernier, et puis Mathilde,
entre les deux, celle dont aurait souhaité qu’elle fût le garçon trop parti,
celle qui se coupera en 10 pour se faire aimer de Paulot, celle qui se battra
toute sa vie pour ses parents, et son frère.
Parce
que le bonheur ne va pas durer....
Dame tuberculose fait irruption dans la famille.
C’est la dégringolade, la faillite, l’éclatement de la famille qui devient le"
terrain de jeu "des assistantes sociales appliquant à la lettre les
procédures sans la moindre humanité, ni le moindre bon sens.
Le
paquebot dans les arbres, jolie métaphore pour désigner ce qu’on appelait hier
le sana, là où l’on isolait les tubards pour les soigner, brosse un portrait
touchant d’une gamine devenue adulte trop tôt, et dont l’amour pour les siens
va lui faire soulever des montagnes bien trop lourdes pour elle.
Ce
livre est aussi un hommage vibrant aux oubliés des Trente glorieuses, ceux qui
sont passés à côté des améliorations sociales et qui sans se plaindre ont
continué à avancer dans l’espoir d’un jour meilleur. A chaque page, on perçoit
le regard bienveillant et la tendresse de Valentine Goby à ces humbles gens.
Un
roman tout en justesse et sensibilité. Une lecture attendue, et qui , durant la
trêve estivale aura tenu toutes ses promesses.
Un
paquebot dans les arbres de Valentine Goby, chez Actes Sud (Août 2016, 270
pages)
Née
en 1974, Valentine Goby publie depuis quinze ans pour les adultes et pour la
jeunesse. En 2014, elle reçoit le Prix des Libraires pour Kinderzimmer, paru
chez Actes Sud. Passionnée par l'histoire et par la transmission, la mémoire
est son terrain d'exploration littéraire essentiel.
Elle
a également publié : qui touche à mon corps , je le tue, Banquise, La note
sensible, Des corps en silence, L’antilope blanche, Sept jours……
Contente que tu ais aimé ce roman. Dans ta chronique tu laisses une large place au contexte et tu as raison car c'est la structure du livre. Ensuite évolue une adolescente aussi tenace que l'héroïne de Kinderzimmer. Une très belle lecture.
RépondreSupprimerJe le commence aujourd'hui... Hâte !
RépondreSupprimerJe le veux !
RépondreSupprimerTon billet reflète parfaitement à ce très beau roman.
RépondreSupprimerUn de mes coups de coeur de cette rentrée!
RépondreSupprimerun très beau livre, oui !
RépondreSupprimerIl m'attend
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