lundi 29 août 2016

Un paquebot dans les arbres




Chaque époque a eu ses maladies que l’on craignait autant par leur gravité et leur contagiosité, que pour l’image sociale qu’elles pouvaient véhiculer.
La tuberculose en est un " excellent" exemple ; maladie grave entrainant souvent la mort, ou du moins affaiblissant durablement les individus,  hautement transmissible et nécessitant l’isolement impératif. Le" tubard" avait une image de pestiféré qu’il fallait éloigner, et cacher. Il condamnait sa famille au repli, à la honte…

Nous sommes dans les années 50 ;la France "heureuse" d’après-guerre ; celle qui met les bouchées doubles pour relever un pays en miette ; celle qui veut aussi s’amuser, profiter.

Chez les Blanc, on n’a pas fait de hautes études ; mais on a le cœur à l’ouvrage ; on ne rechigne pas à faire des heures, à entreprendre, à oser pour s’en sortir. Odile et Paul sont de ceux- là ; besogneux et l’esprit tourné vers la fête et la joie à partager, mais pas prévoyants. Cigale mais pas fourmi. Ils tiennent un café, le Balto, toujours ouvert, où l’on fait la fête, où l’on danse .
Et puis dans cette France des années 50, la sécu existe, mais pour une poignée de privilégiés : les salariés et les fonctionnaires. Les autres, commerçants, artisans, rien ; que des assurances facultatives, hors de prix.

Odile et Paul ont 3 enfants : Annie l’ainé, vite partie vers une vie qu’elle a voulu résolument loin du Balto, Jacques, le petit dernier, et puis Mathilde, entre les deux, celle dont aurait souhaité qu’elle fût le garçon trop parti, celle qui se coupera en 10 pour se faire aimer de Paulot, celle qui se battra toute sa vie pour ses parents, et son frère.

Parce que le bonheur ne va pas durer....
 Dame tuberculose fait irruption dans la famille. C’est la dégringolade, la faillite, l’éclatement de la famille qui devient le" terrain de jeu "des assistantes sociales appliquant à la lettre les procédures sans la moindre humanité, ni le moindre bon sens.

Le paquebot dans les arbres, jolie métaphore pour désigner ce qu’on appelait hier le sana, là où l’on isolait les tubards pour les soigner, brosse un portrait touchant d’une gamine devenue adulte trop tôt, et dont l’amour pour les siens va lui faire soulever des montagnes bien trop lourdes pour elle.

Ce livre est aussi un hommage vibrant aux oubliés des Trente glorieuses, ceux qui sont passés à côté des améliorations sociales et qui sans se plaindre ont continué à avancer dans l’espoir d’un jour meilleur. A chaque page, on perçoit le regard bienveillant et la tendresse de Valentine Goby à ces humbles  gens.

Un roman tout en justesse et sensibilité. Une lecture attendue, et qui , durant la trêve estivale aura tenu toutes ses promesses.

Un paquebot dans les arbres de Valentine Goby, chez Actes Sud (Août 2016, 270 pages)


Née en 1974, Valentine Goby publie depuis quinze ans pour les adultes et pour la jeunesse. En 2014, elle reçoit le Prix des Libraires pour Kinderzimmer, paru chez Actes Sud. Passionnée par l'histoire et par la transmission, la mémoire est son terrain d'exploration littéraire essentiel.
Elle a également publié : qui touche à mon corps , je le tue, Banquise, La note sensible, Des corps en silence, L’antilope blanche, Sept jours……

7 commentaires:

  1. Contente que tu ais aimé ce roman. Dans ta chronique tu laisses une large place au contexte et tu as raison car c'est la structure du livre. Ensuite évolue une adolescente aussi tenace que l'héroïne de Kinderzimmer. Une très belle lecture.

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  2. Je le commence aujourd'hui... Hâte !

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  3. Ton billet reflète parfaitement à ce très beau roman.

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  4. Un de mes coups de coeur de cette rentrée!

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