‶ Le salaud c’est l’homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. Sans traces, sans repères, sans lumière, sans la moindre vérité. Qui a traversé la guerre en refermant chaque porte derrière lui. Qui s’est fourvoyé dans tous les pièges en se croyant plus fort que tous. (…) Qui a passé sa guerre, puis sa paix, puis sa vie entière à tricher et à éviter les questions des autres. Puis les miennes. Le salaud, c’est le père qui m’a trahi. ″
Cela fait des années que Chalandon tourne autour de la figure du père, de son père. D’abord sous la forme d’une fiction anodine, puis une fiction que je qualifierais de déguisée. Enfin Chalandon se lâche, fend l’armure ; non pas pour entretenir un mystère, ou dire sans dire, mais tout simplement parce qu’avec les années, Chalandon a fini par apprendre des choses, a pu accéder à certains documents qui mettront un début de sens à ce qu’il a entendu dans sa prime enfance de la bouche de son grand-père « Ton père portait l’uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud ! »
Chalandon n’a pas eu une enfance heureuse et apaisée. Il avait peur de son père ; tant et si bien qu’il n’a jamais vraiment pu tenter d’en savoir davantage.
Sa vie d’homme se construit sur ces bases mouvantes et incertaines. Il faudra la tenue du procès de Barbie auquel Chalandon assiste en tant que journaliste pour Libération pour qu’ait lieu le procès de l’imposture du père aux yeux du fils. Deux temporalités et deux sujets s’affrontent, dans le seul but de confronter le père à son passé, et de lui permettre, enfin, de s’expliquer, de demander pardon à un fils meurtri et trahi.
Du grand art ! Il m’a fallu beaucoup de recul, et lire les deux premiers opus de Chalandon pour intégrer pleinement son drame intime et apprécier autrement un opus m’ayant laissée au départ un peu sa ma fin. Il faut dire que le style est nettement différent de ce que l’on connait habituellement de l’auteur. Moins ″ travaillée‶ et plus journalistique et plus sèche, l’écriture respire en réalité la révolte, la colère et l’incompréhension d’un fils face au déni du père, d’un fils et son sentiment d’abandon et trahison .
Un livre qui avec le recul laissera une trace profonde !
Enfant de salaud de Sorj Chalandon chez Grasset (Août 2021, 336 pages)
Sorj Chalandon est un journaliste et écrivain français.
Il a été journaliste au quotidien "Libération" de 1974 à février 2007. Membre de la presse judiciaire, grand reporter, puis rédacteur en chef adjoint de ce quotidien, il est l'auteur de reportages sur l'Irlande du Nord et le procès de Klaus Barbie qui lui ont valu le prix Albert-Londres en 1988. Depuis 2009, Sorj Chalandon est journaliste au "Canard enchaîné", ainsi que critique cinéma.
Il est devenu un auteur reconnu grâce notamment à "Une promesse", qui obtint le prix Médicis en 2006, "Retour à Killybegs" couronné en 2011, par le Grand Prix du roman de l'Académie Française et "Le Quatrième mur", roman qui permis à Sorj Chalandon d'être lauréat du prix Goncourt des Lycéens en 2013.
En 2010, Sorj Chalandon apparut en dernière partie du film documentaire de Jean-Paul Mari "Sans blessures apparentes".
De 2008 à 2012, Sorj Chalandon fut le parrain du Festival du Premier Roman de Laval, organisé par Lecture en Tête. Depuis 2013 il est le Président du Jury du Prix Littéraire du Deuxième Roman.
En 2015, il publie "Profession du père", une oeuvre romanesque où il s’inspire de sa propre enfance.
En 2017, il publie le roman "Le Jour d'avant", sur la catastrophe minière de Liévin-Lens qui a fait 42 morts le 27 décembre 1974.
En 2019, paraît "Une joie féroce", qui obtint un grand succès commercial
En 2021, il publie ‶Enfant de salaud
"Mon traître", "Retour à Killybegs" et "Le quatrième mur", ont été adaptés en bande dessinée.
Ce livre fait partie de ceux que je compte bien lire. J'avais lu Le jour d'avant et Profession du père que j'avais beaucoup aimés. Celui-ci me tente beaucoup aussi.
RépondreSupprimer