mardi 6 septembre 2022

La nuit des pères

 

″On ne sait rien des autres, accepte -le.

Je savais qu’en me lançant dans ce roman je ne prenais pas de risque, et que j’allais aimer ; ce que je ne savais pas c’est à quel point j’allais l’aimer !

Isabelle est réalisatrice de documentaires sur la vie sous-marine. Contrairement à son frère Olivier, resté dans les montagnes de leur enfance, Isabelle s’est très vite éloignée de l’atmosphère familiale, et en particulier ce père taiseux, dénué de tendresse, et de chaleur paternelle ; un père là mais absent, incapable d’encourager sa fille, et jamais avare du bon mot disqualifiant.

Isabelle, porte aussi sa croix ; son mari, compagnon et partenaire de ses expéditions sous-marines est mort en plongée, la laissant désemparée.

Isabelle est amenée à retourner sur les terres familiales à la faveur d’un appel d’Olivier très inquiet du déclin cognitif de ce père qu’elle n’a plus vu depuis la mort de sa mère.

Que faut-il attendre de ce retour aux sources ? Comment va réagir le père ? Comment Isabelle va-t-elle appréhender ses souvenirs, ses fantômes, ses blessures ? Son père va-t-il parvenir à fendre l’armure ?

C’est d’abord Isabelle qui parle, ouvre son cœur, expose ses blessures d’enfant et de femme, nous fait part de ses doutes de grande fille sur sa capacité à passer outre face à un père qui souffre et s’enfonce dans l’oubli.

Te voilà à l’orée de l’oubli, de tous les oublis, te voilà au seuil de la pénombre, je sis ta fille absente, ta fille invisible et pourtant je tremble à l’idée qu’un jour tu ne reconnaitras plus ni mon nom ni mon visage. Aurais-je traversé toute ta vie comme une ombre ? ″

Puis sans crier gare, arrivent une vingtaine de pages dans lesquelles le père prend la parole, à la surprise générale, pour livrer ce qu’il n’a jamais dit, si ce n’est à son épouse qui elle aussi s’est tu, et qui l’a hanté toute sa vie durant.

″Je n’ai rien dénoncé. Je suis seulement rentré et je me suis tu. C’est un regret, une honte qui ne m’a jamais lâché. C’est ainsi.

Tout le talent de Gaëlle Josse repose dans l’art de dire l’indicible avec autant de douceur, de tact et de poésie possible sans rien occulter de la violence que tout cela contient.

Enfin, à quelques mois de distance, Olivier clos le propos sur une note un peu triste, mais avec en fond l’apaisement des cœurs et des esprits.

Ce roman est un condensé de sensibilité, de poésie, et de douceur pour mettre en lumières les fragilités, et les blessures d’un homme qui n’avait pas tous les outils pour les partager, et les exorciser ; d’un homme trop malmené pour aimer et se faire aimer ; d’un homme qui attend la soir de sa vie pour se mettre à nu avec un dernier acte de courage.

Ce roman prend aux tripes autant par son intensité qui va crescendo, sa construction, que par son écriture puissante, sobre, élégante. Son sujet, universel parce que tout le monde peut s’y reconnaître est traité avec infiniment de sensibilité, de pudeur et de réalisme.

Coup de cœur !

La nuit des pères de Gaëlle Josse, aux éditions Noir sur blanc (Août 2022,180 pages)

Gaëlle Josse est une femme de lettres française.

Après des études de droit, de journalisme, de psychologie et quelques années passées en Nouvelle-Calédonie, elle travaille pour un site Internet à Paris et vit en région parisienne.

Elle organise aussi des ateliers d'écoute musicale et d'écriture, pour adultes et adolescents.

Venue à la littérature par la poésie, son premier roman, "Les heures silencieuses", paru en janvier 2010 aux Éditions Autrement, a obtenu plusieurs prix notamment le Prix Lavinal, Prix Peindre en Provence, Prix du Marais, et a été finaliste du Prix Orange 2011.

Suivront "Nos vies désaccordées" (2012), qui obtient le Prix Alain-Fournier 2013 et le Prix national de l'Audiolecture 2013 et" Noces de neige" en 2013.

En 2015, elle est finaliste du Prix des libraires et lauréate du Prix de littérature de l'Union Européenne, du Prix de l'Académie de Bretagne et de nombreux prix de médiathèques pour son roman "Le dernier gardien d'Ellis Island" (Noir sur Blanc).

En 2016, elle publie "L'ombre de nos nuits" et est marraine du prix littéraire des jeunes Européens. "Une longue impatience" est paru en 2018.

En 2019 elle publie "Une femme en contre-jour", biographie sur la photographe Vivian Maier. En 2021, c’est "Ce matin-là″ qui parait.

 

1 commentaire:

  1. une auteure que j'aime bien mais si je n'aime pas tout je note celui là pour le thème qui m'attire

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